Charismatique fondateur du Ministère Va et Raconte, le Camerounais Martin Tsala Essomba possède deux journaux, une radio, une chaîne de télévision et même une marque d'eau... bénite, bien sûr.
De son "temple" monte un vacarme de fête foraine. Niché au fond d'une cuvette marécageuse de Yaoundé, ce grand baraquement de bois et de tôles est le cauchemar des voisins. Relayée par de puissants haut-parleurs, une voix énergique et métallique claque, interrompant avec autorité une timide traductrice en anglais. Dans la salle comble - d'une capacité de 3 500 places -, une assistance visiblement conquise a les yeux rivés sur des écrans plats qui montrent aux derniers rangs les détails de l'office. Des caméras énamourées suivent les mouvements du pasteur qui hurle dans un micro sans fil : avec son costume beige bien taillé et sa cravate en soie, Martin Tsala Essomba semble tout droit sorti d'un film de Bollywood. "Quand ils me voient bien habillé à la télé, ils disent : Tsala Essomba trouble les foyers", se flatte ce quinquagénaire qui parle souvent de lui à la troisième personne.
"Si tu n'es pas riche à l'intérieur de toi, tu ne seras jamais riche"
Parfois, pendant l'office, le prédicateur s'éloigne de son pupitre et arpente les allées de son antre, sous la protection de gardes du corps musculeux. Il scrute alors son public endimanché - majoritairement des femmes entre 30 ans et 50 ans - et, soudain, marque un arrêt devant une fidèle qu'il juge mal coiffée. La caméra s'attarde sur l'objet du courroux, l'auditoire émet un grognement de désapprobation. "Quand on est mal habillé, on fait la publicité de la pauvreté ! fulmine-t-il à la face de l'infortunée. Nous ne sommes pas une Église de pauvres ! Si tu n'es pas riche à l'intérieur de toi, tu ne seras jamais riche"... et il s'éloigne sous des "Amen" de contentement. Personne ne s'apitoie sur le sort de la jeune femme humiliée. "Il faut être dur pour pousser les gens à devenir des gagnants", chuchote Pierre, un trentenaire diplômé qui n'a jamais travaillé : "Je viens ici pour avoir du réconfort et de l'espérance." Pendant ce temps, le show se poursuit.
"Les journalistes doivent s'adresser au directeur de la communication. Surtout, pas de photo", s'interpose, un rien menaçant, un membre du service d'ordre.
Bienvenue au Ministère Va et Raconte, comme l'a baptisé son fondateur. Raconter, c'est d'ailleurs le fonds de commerce de Tsala Essomba, qui sait user de toutes sortes d'artifices pour capter l'attention des foules. Même si, dans son sac à malices, on retrouve toujours les mêmes ficelles. Pour entretenir la légende, il se réserve le rôle prophétique de celui qui vient "sauver des ténèbres les âmes en perdition". Le prêcheur camerounais semble mettre ses pas dans ceux de ses devanciers nigérians : David Oyedepo, richissime gourou qui a réussi à faire prospérer son Église Living Faith World Outreach Ministry, ou Temitope Joshua, patron non moins nanti de The Synagogue, Church of All Nations. Lire la suite ICI.