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«Non, les évangéliques ne représentent pas un «problème très important» en France»

L’historien Sébastien Fath, spécialiste du protestantisme en France, fait le point sur les différents reproches adresés à la communauté évangélique et regrette que des propos souvent confus soient tenus à leur égard, notamment à l’occasion des discussions

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La société française est confrontée à une grande peur, comme il y en a eu périodiquement depuis le Moyen-Âge. Ce cocktail anxiogène combine aujourd’hui des éléments géopolitiques (menace antilibérale de l’islamisme radical), climatiques (réchauffement global) et environnementaux (Pandémie Covid-19).

La première fonction régalienne de l’État est d’assurer la sécurité. En contexte de grande peur, il est normal que le gouvernement souhaite monter d’un cran dans la protection de la population. La décapitation de Samuel Paty et l’attentat de Nice, en octobre 2020, ont bouleversé l’opinion.

Les protestants évangéliques, qui représentent environ un million de Françaises et de Français aujourd’hui, un peu plus d’1% de la population, appuient ce souci de sécuriser la société et de renforcer le lien républicain. Bien avant que la République ne se stabilise durablement, à partir de 1875, certains pasteurs évangéliques français étaient soupçonnés d’être de dangereux démocrates, distribuant des «pamphlets républicains» (ce qui pouvait conduire au pénitencier). Rappelons que dans les églises évangéliques françaises, les femmes ont voté et pris part aux décisions un siècle avant que la République ne leur donne finalement ce droit, en 1946.

Présents depuis plus de deux siècles en France, les évangéliques connaissent une forte croissance. Elle tient d’abord à une dynamique d’évangélisation décomplexée, dans tous les milieux sociaux, y compris auprès des musulmans, à la ville comme à la campagne. Elle s’appuie aussi sur l’immigration francophone venue d’Afrique subsaharienne, porteuse d’un zèle chrétien postcolonial qui entend réenchanter une Europe vieillissante et sécularisée. Ces évangéliques de France, et non «évangélistes», terme aussi impropre que «catholiste», constituent aujourd’hui la branche la plus dynamique du protestantisme.

La confiance a laissé place à l’inquiétude, face à une succession de dérapages ministériels qui font porter le soupçon sur les évangéliques

Ils souffrent, comme leurs concitoyens, du malaise social ambiant. En mai 2017, ils avaient accordé une large confiance au projet du président Emmanuel Macron. Lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron déclarait au journal protestant Réforme (édition du 28 février 2017): «Je ne promets ni le bonheur, ni la transcendance. Je laisse cela aux religions. Autrement, ce seraient des projets totalitaires.»

Il se distinguait ainsi clairement des politiques du salut séculier (cf. le «rêve français» de François Hollande dans son discours du Bourget en janvier 2012). Les protestants, mais aussi beaucoup de croyants d’autres religions, ont apprécié tout particulièrement cet accent, car pour eux, l’État n’est pas une Église séculière. Le gouvernement et l’administration sont appelés à gérer, le mieux possible, une société plurielle et républicaine dans laquelle le corps civique a la liberté de déterminer ses engagements.

Par leur accent sur le choix personnel, le lien contractuel et l’entreprenariat associatif, les évangéliques ont été comparativement plus sensibles que les luthériens et réformés au discours de liberté, dépourvu de sectarisme politique, développé alors par le nouveau président français. En témoigne «l’Enquête auprès des protestants» réalisée par l’institut IPSOS en octobre 2017. On y découvrait que les protestants évangéliques interrogés sont 23% à soutenir la République en Marche (LREM), contre 17% pour les luthériens et les réformés. Un écart de six points qui en dit long sur la cote de confiance du président Macron auprès des évangéliques en 2017.

Cette confiance reposait aussi sur l’assurance d’un pacte laïque préservé dans ses équilibres. Une laïcité appuyée par les évangéliques, depuis l’origine: rappelons que Francis de Pressensé, fondateur de la Ligue des Droits de l’Homme et l’un des promoteurs de la loi de 1905, n’était autre que le fils du pasteur évangélique, et sénateur, Edmond de Pressensé, pasteur de la chapelle Taitbout...

La confiance a laissé place à l’inquiétude, face à une succession de dérapages ministériels qui font porter le soupçon sur les évangéliques. Le 15 décembre 2020, le ministre de l’Intérieur avait pourtant donné des gages de bonne volonté à l’égard du CNEF, Conseil National des Évangéliques de France, qui fêtait alors ses 10 ans.

Dans une intervention conciliante, il affirmait notamment: «être croyant permet souvent d’être un bon citoyen». Que s’est-il donc passé depuis? À l’occasion des débats autour de l’élaboration de la loi «confortant les principes républicains», plusieurs petites phrases ont ciblé, de manière tantôt maladroite, tantôt erronée, les protestants évangéliques Le 10 janvier 2021, Marlène Schiappa évoque sur France 3 l’usage, chez les évangéliques (qualifiés au passage d’évangélistes, sic), de «certificats de virginité», via une influence américaine. Or l’information donnée est fausse, et a suscité la consternation, ou l’amusement, chez les protestants évangéliques de France.

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Lien : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/non-les-evangeliques-ne-representent-pas-un-probleme-tres-important-en-france-20210205

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