Les Dokimos



Idai : le Mozambique pris entre la peine et le choléra

Le passage du cyclone meurtrier, début mars, a affecté plus de 1,8 million de personnes, ravagé les récoltes et relancé les risques d’épidémie dans ce pays déjà handicapé par le mal-développement.

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Dans chaque main, Joana Augusto tient fermement celle d’un de ses jumeaux. Elle avance dans l’obscurité, de l’eau jusqu’à la poitrine, et s’accroche avec la force du désespoir aux deux garçons de 10 ans. Mais le courant est trop fort. Sa main gauche lâche, l’un d’entre eux est emporté dans la nuit. «Je l’ai entendu crier, il a tenté de nager, mais je l’ai perdu», raconte-t-elle. Chaque jour, pendant trois semaines, elle s’épuise, s’entaille les pieds et les jambes sur les branchages et les débris qui flottent dans l’eau stagnante, puis se déchire le cœur lorsqu’elle retrouve enfin le corps de son fils, presque méconnaissable, près de la route bitumée qui passe non loin du village. «Je n’avais pas de cercueil, même pas de vêtements pour l’habiller avant de l’enterrer. Je l’ai enveloppé dans un pagne et une bâche de plastique, dit-elle, assise sur une natte, les traits tirés, le regard vide, rongée par la culpabilité des survivants. Mon autre fils ne parle presque plus depuis la mort de son frère. Je lui ai dit que seul Dieu peut expliquer ce qu’il s’est passé. La vérité, c’est que si je n’étais pas si vieille, j’aurais peut-être pu le sauver.»

Le cyclone Idai, qui a frappé le Mozambique entre le 6 et le 15 mars, a ravagé un vaste territoire et fait plus de 600 victimes dans le pays, selon le dernier bilan officiel. Leur nombre réel ne sera certainement jamais connu. Après avoir passé plusieurs semaines dans un camp établi pour accueillir les déplacés du sinistre, Joana Augusto vient de regagner son village du district de Nhamatanda, à une centaine de kilomètres de Beira, capitale provinciale au bord de l’océan Indien. Comme des dizaines de milliers de Mozambicains, elle a tout perdu. Sa maison, ses champs, sa famille. Alors que l’eau redescend, sur les terres à peine sèches, le traumatisme reste.

«Trois jours sans manger»

Des chants s’élèvent d’une église sans toit, où une vingtaine d’habitants s’accrochent à leur foi pour tout recommencer. Appuyée contre un mur, une jeune fille tient son visage entre ses mains. «C’est la fille du pasteur. Sa mère aussi s’est noyée», explique Anastasia Daniel Viegas, une cheffe locale qui affirme qu’une dizaine de personnes ont été tuées ici, dans le village John Segredo. Elle avait été informée du passage du cyclone, des messages d’alerte avaient été diffusés à la radio. Mais les inondations soudaines qui ont suivi l’ont prise par surprise. «Nous nous sommes réfugiés sur un toit, un peu plus haut, là-bas. Nous avons passé trois jours sans manger», raconte-t-elle. Plus loin, elle pointe du doigt quelques morceaux de bois. C’est tout ce qu’il reste de sa maison. En attendant de rebâtir, la vieille femme dort à même le sol, sous une tente fragile faite d’une bâche bleue qu’elle a reçue d’une organisation humanitaire. «Je suis triste, mais je ne peux pas me plaindre. J’ai cru que nous allions tous mourir. Ma famille a survécu. Beaucoup n’ont pas eu cette chance…»

«Contamination de l’eau»

Le cyclone Idai s’est abattu sur le Mozambique au moment de la récolte du maïs. Devant les maisons sèchent quelques grains abîmés, récupérés dans la boue. Le reste des plants ont été arrachés ou pourrissent sur pied. La frustration est palpable. «Des proches nous ont donné quelques vêtements et un peu d’argent pour acheter du riz, dit Jose Tome, un agriculteur. L’administrateur du district est venu au camp et nous a dit de rentrer chez nous. On nous a promis qu’on recevrait de la nourriture bientôt. Mais je ne sais pas quand, je ne sais même pas si on nous a dit la vérité.»

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Lien : https://www.liberation.fr/planete/2019/04/12/idai-le-mozambique-pris-entre-la-peine-et-le-cholera_1721060

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