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Séparatisme: protestants sacrifiés au nom de la lutte anti-terrorisme

Suite aux attentats islamistes de l’automne, la France prépare une loi contre les séparatismes religieux, qui ferait des «victimes collatérales» innombrables parmi les protestants. Les pasteurs dénoncent une discrimination intolérable.

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«Peut-on parler aujourd’hui en France de "laïcité zombie"?» Le pasteur Jean-Raymond Stauffacher, président de l’Union des églises réformées évangéliques, se pose sérieusement la question. Citant le célèbre démographe et historien Emmanuel Todd qui décrivait en son temps un «christianisme zombie» déconnecté de ses racines et de sa sève religieuse, Jean-Raymond Stauffacher estime que la laïcité, notamment avec la loi sur le «séparatisme religieux», se coupe de ce qui avait fait son élan, son souffle et sa beauté voilà un siècle.

Cette nouvelle loi, qui sera soumise au vote des députés probablement mi-février, se donne comme objectif de lutter contre tous les extrémismes religieux, notamment l’islam radical politique, dont les plus récentes victimes ont été le professeur Samuel Paty et trois fidèles catholiques dans la basilique Notre-Dame de Nice. La nouvelle loi stipule deux choses: les religions organisées juridiquement sous forme de «cultes» devront prouver leur caractère religieux tous les cinq ans, sous peine d’être dissoutes; si elles reçoivent des fonds de l’étranger, elles devront faire certifier leurs comptes par un expert indépendant.

Le problème est que l’islam n’est pas organisé juridiquement sous forme de «culte», mais «d’association» (lire l’encadré), et que cette nouvelle loi ne s’appliquera donc pas, de fait, à la religion musulmane. Quelles sont les religions organisées juridiquement sous forme de culte? Le judaïsme et le protestantisme. Ce sont donc les synagogues, les temples protestants et les Églises évangéliques qui prendront de plein fouet les dispositions restrictives de la nouvelle loi. «Tout le monde est d’accord pour tuer dans l’œuf l’islam radical, mais cette loi, telle qu’elle est formulée, est déconnectée de son but avoué», déplore Jean-Raymond Stauffacher.

Des radicaux musulmans, catholiques, protestants et… laïcards

Jean-Daniel Roque, président de la commission «Droit et liberté religieuse» de la Fédération protestante de France, décrit l’absurdité d’une telle situation. «C’est de la discrimination contre les cultes. Si l’on veut surveiller l’argent qui vient de l’étranger, soit, mais il y en a bien plus dans le sport ou dans la culture. Ces mesures ne diminueront pas le terrorisme, car le terroriste s’en fiche de savoir si le trésorier va passer sa vie à remplir des dossiers administratifs!» Il cite en exemple un temple réformé en Ardèche qui aurait besoin de faire rénover sa toiture et qui recevrait 15 000 euros d’une église sœur en Allemagne. Tout cet argent «étranger» deviendrait source de difficultés démesurées.

Jean-Daniel Roque s’insurge: «Bien sûr qu’il y a des radicaux chez les musulmans, chez les catholiques et chez les protestants fondamentalistes. À partir du moment où il y a un mouvement de pensée, il y a des radicaux. Mais il y en a aussi chez les laïcards!»

La pasteure Emmanuelle Seyboldt est présidente de l’Église protestante unie de France, qui regroupe luthériens et réformés. Elle se désole: «On va vivre sous surveillance en permanence, puisqu’il faudra redemander au préfet une autorisation tous les cinq ans. Ce n’est pas bon pour la confiance. C’est grave: ça contribue à défaire le lien social. Les croyants sont devenus suspects.» Et de poursuivre: «En tant que protestants, on a l’habitude d’être stigmatisés. Mais là, c’est inquiétant. Si aujourd’hui, on empêche les gens d’exprimer leurs convictions religieuses, demain ce sera d’autres types de convictions qu’on devra taire... »

Des centaines d’Églises et d’œuvres menacées de faillite

La pasteure Joëlle Sutter-Razanajohary, secrétaire générale de la Fédération baptiste, renchérit: «Nous sommes jetés en pâture au bon vouloir des préfets tous les cinq ans.» Les tracas administratifs seront tels que, selon elle, bon nombre de présidents et de trésoriers de petites assemblées locales refuseront de poursuivre leur mandat. «Cette suspicion et ce contrôle risquent simplement de détruire les petites Églises.» Elle se demande d’ailleurs s’il n’y aurait pas une manœuvre politique spécifiquement orientée contre les évangéliques, à cause du soutien qu’ils ont apporté outre-Atlantique à Donald Trump.

«Nous avons le sentiment d’être sacrifiés, d’être des victimes collatérales de la lutte contre l’islamisme radical», formule d’ailleurs sans détours le pasteur pentecôtiste Thierry Le Gall, responsable du service pastoral auprès des parlementaires du Conseil national des évangéliques de France. Il observe d’ailleurs plus largement «une dynamique idéologique anticléricale d’effacement des religions de la sphère publique», comme si les religions avaient forcément «un aspect toxique».

C’est dans ce contexte que peuvent être analysés les propos choquants de Marlène Schiappa sur les «certificats de virginité» soi-disant en cours chez les «évangélistes» (sic) – preuve de sa méconnaissance totale du sujet. À l’opposé de tels préjugés, Thierry Le Gall rappelle qu’à chaque Église évangélique est adossée une œuvre de bienfaisance qui apporte de l’aide aux plus précaires et aux plus démunis, dont les besoins ont explosé depuis la crise du Covid. Or ce sont ces œuvres-là qui vont faire faillite en premier avec la nouvelle loi, avertit-il.

Choisir la sécurité intérieure sur les libertés religieuses

Dans ses nombreux entretiens avec les élus, Thierry Le Gall rencontre toujours une bonne écoute, mais certains députés ou sénateurs se disent prêts à payer ce prix-là, et à sacrifier les libertés religieuses pour renforcer la sécurité intérieure. Le pasteur rappelle simplement que ce serait anticonstitutionnel.

Dans tout ce chaos, la pasteure baptiste Joëlle Sutter-Razanajohary voit une lumière d’espoir: les protestants font preuve d’une véritable solidarité entre eux. Elle rend un vibrant hommage au pasteur réformé François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, qui a pris une défense ferme des évangéliques lors de son audition au Parlement. «Les évangéliques ne sont pas une menace pour la République, il ne faut pas exagérer. Ça suffit ce discours de soupçon à l’égard du christianisme dans sa version évangélique!» s’est-il emporté le 4 janvier dernier.

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Lien : https://www.reformes.ch/politique/2021/01/separatisme-protestants-sacrifies-au-nom-de-la-lutte-anti-terrorisme-france-monde?fbclid=IwAR2nHSC9VbE4OjZ4ZeNLjvmPl_vF-BZ9BAHMMzB95Zz33nXVU-b5Btq1loI

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