Les Dokimos



“Dans les affaires des religieuses abusées et de pédophilie, la priorité pour l’Eglise est de maintenir l’omerta”

Christian Terras, directeur du magazine chrétien “Golias”, témoigne dans “Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise”, le documentaire choc diffusé ce mardi 5 mars à 20h50 sur Arte. Il dénonce depuis des décennies les dérives du clergé. Interview c

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Depuis trente-cinq ans aux manettes de Golias 1, magazine chrétien contestataire, Christian Terras continue d’être la bête noire de l’Eglise catholique. Insulté, menacé, il n’a jamais abdiqué, portant sur la place publique, dossier après dossier, les dérives de l’institution. Non pour la détruire, comme le clament ses détracteurs, mais pour réformer un système nécrosé de l’intérieur. Grand témoin du film Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Eglise 2, diffusé ce soir sur Arte, il revient pour nous sur les révélations de ce film explosif, les nécessaires remises en cause qu’il suscite.

Quel a été votre rôle dans le film ?
Il s’est limité à de ponctuelles interventions. Les réalisateurs sont venus passer une journée à la rédaction. Au fur et à mesure de leur enquête, je leur ai indiqué quelques pistes, notamment par rapport à Mgr Barbarin. Eric Quintin souhaitait retrouver l’extrait vidéo de 2006 où il fait l’éloge de Marie-Dominique Philippe lors de ses obsèques. Celui-là même qui avait fondé en 1975 la communauté Saint-Jean, dont certains membres ont été jugés pour abus sexuels. Avant que le Vatican reconnaisse finalement, en 2016, dans un courrier confidentiel, « l’indulgence suspecte » des frères de Saint-Jean pour la pédophilie, les abus généralisés sur les femmes de la communauté.

Depuis plus de trente ans, vous œuvrez avec Golias pour mettre au jour les dossiers enfouis par l’Eglise, ses dysfonctionnements. Avez-vous perçu, au fil du temps, une évolution de sa posture, sa volonté de sortir de l’opacité ?
Il y a deux gros dossiers : les affaires de pédophilie, celles des religieuses abusées. A partir de 2010, l’institution prend conscience de la gravité du phénomène planétaire concernant les premières. Benoît XVI sort de la posture sur laquelle campait Jean-Paul II : à savoir que les affaires de pédophilie n’étaient que des complots contre l’Eglise. Pour ce qui est des religieuses abusées, l’affaire ne perce que depuis peu. Quand j’ai sorti le dossier dans Golias, en 1994, en révélant les rapports des sœurs Donovan et Donohue transmis au Vatican et qui documentaient, dans vingt-trois pays, les viols de religieuses par des prêtres, c’est tombé dans l’oreille d’un sourd.

Dans les deux cas, la priorité pour l’institution est de maintenir l’omerta. Le système est au courant et gère cela en interne. On l’a vu avec Marie-Dominique Philippe et son frère Thomas Philippe, le fondateur de l’Arche. Les « fautifs » sont exfiltrés, mis entre parenthèses un moment, puis remis dans le circuit. C’est fou de songer qu’il aura fallu vingt-cinq ans, une génération, pour que les affaires de pédophilie ou de religieuses abusées aient enfin un écho dans l’opinion publique catholique et profane.

Avant, nous prêchions dans le désert. J’ai reçu des menaces, des insultes. Et il faut bien avouer que la presse catholique s’est comportée comme une courroie de transmission de l’institution, pas comme des journalistes indépendants. Ils n’ont rien fait pour qu’émergent ces problématiques. La grande peur du clergé est que les victimes témoignent sur la place publique, relayées par les médias profanes. Et si tout cela se double de plaintes déposées, alors là ils mesurent l’ampleur du péril.

“Dans l’Eglise catholique, le sacerdoce confère une impunité totale aux prêtres qui ont failli.”

Le viol des religieuses semble systémique. Il ouvre sur des questionnements plus larges : la place de la femme, la sexualité, la question du célibat des prêtres.
Ce dossier pose effectivement toutes ces questions et l’Eglise n’est pas au clair. Nous n’en sommes qu’aux balbutiements, au début de la prise de conscience, de la mise à plat de ce que ces affaires révèlent profondément. Le clergé passe son temps à osciller entre déni et omerta. Il foule aux pieds les valeurs de l’Evangile pour défendre l’institution. Les victimes ne comptent pas, en tout cas moins que la réputation d’infaillibilité de l’institution. Ce qui prévaut est qu’elle soit épargnée par les scandales. Certains religieux consentent au constat et voient qu’il faut prendre des mesures. Mais on ne va pas au bout de la remise en question radicale que ces affaires renvoient à l’Eglise. Les victimes seront toujours suspectées d’affabuler, d’avoir tenté, séduit. On peut parler de raison d’Eglise comme on parle de raison d’Etat. Dans l’Eglise catholique, le sacerdoce confère une impunité totale aux prêtres qui ont failli. La justice des hommes n’a pas à s’en mêler.

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